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D’UNE FEMME DU MONDE.

que son père a récoltés. Modeste, simple, effacé, on lui pardonnerait après tout de n’être qu’une nullité très dorée. Hélas ! M. Grandidier, pour son malheur et celui des autres, n’est ni un modeste, ni un simple, ni un effacé. Il a le plus vilain défaut que puisse avoir un parvenu : il est honteux de l’être et cherche, par un luxe insensé et l’étalage de ses richesses, à éblouir les gens, croyant ainsi les empêcher de voir clair.

Le père de M. Grandidier était un brave homme, à peu près sans instruction et sans ressources. Mais il avait le génie du commerce ; c’était, en outre, un travailleur infatigable. Il entra, tout jeune, dans une laminerie, à quelques lieues de Clovers, comme simple ouvrier manœuvre. Il se distingua par son intelligence et son zèle, et comme l’usine, entre les mains d’un patron ignorant et insouciant, périclitait et menaçait de sombrer, on eut recours à lui, on le nomma gérant. Sous l’impulsion que lui donna son nouvel administrateur, l’entreprise reprit vite son essor et devint florissante. Cependant le père Grandidier, comme on l’appelait, maintenant largement rétribué et toujours économe, amassait