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D’UNE FEMME DU MONDE.

je fasse, quoique je veuille, je ne serai jamais que le fils d’un paysan !…

Cette confession humble, cet aveu d’infériorité dans la bouche d’un homme que je ne m’étais jamais représenté autrement qu’orgueilleux, fat et sot, me toucha et, me l’avouerais-je, flatta mon amour-propre de femme.

— C’est vrai, continuait-il, quel autre anneau irait à votre doigt que celui d’une duchesse ! Comment consentiriez-vous jamais à vous appeler Mme Grandidier !

À ce nom. Mme Grandidier, toute ma pitié s’évanouit, et je ne pus réprimer un instinctif mouvement de colère. Il me semblait qu’après avoir été comblée de louanges, je venais d’être cinglée par la plus sanglante des insultes.

Moi !… Mme Grandidier !… Ah ! non ! cela jamais !… Mme Grandidier !… Non, non, Raymonde de Clovers ne s’appellera jamais Mme Grandidier !

Tout à son idée, il continuait :

— Mais si je suis indigne d’être l’élu de votre cœur, regardez autour de vous, et dites-moi, de grâce, si parmi tous ces petits jeunes gens qui vous entourent, il en est un qui ait le droit de briguer cet honneur ? Et puis, je vous ai dit que vous aviez toutes les qua-