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D’UNE FEMME DU MONDE.

feuillage à jours des arbres sa traînée lumineuse ; elle éclata sur nos têtes et s’éparpilla en une pluie d’étoiles multicolores, qui demeurèrent un instant comme suspendues dans l’espace, puis descendirent lentement, enfin s’éteignirent. Une autre fusée partit, suivit la même direction, éclata au même endroit, jetant une clarté plus vive. À cette lueur soudaine j’aperçus le visage de M. Grandidier : il était cramoisi comme je ne l’avais jamais vu et ses yeux me parurent s’allumer d’un éclat singulier.

De nouveau, la peur m’envahit :

— Je vous en supplie. Rentrons.

Il me regarda et dit :

— Mademoiselle Raymonde, il fait noir, le chemin est étroit, donnez-moi la main que je vous guide.

— Mais…

— Oh ! ne voyez pas là d’engagement, Mademoiselle : un appui, un simple appui…

Je ne connaissais pas le sentier : timidement je tendis la main à M. Grandidier.

Il la prit, la serra fiévreusement et tout d’un coup la porta à ses lèvres. Alors son corps se convulsa et sa bouche sur ma main se colla avec une telle passion que je poussai un cri.