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« Si une roue[1] est mue à un moment par une quantité d’eau et que cette eau ne se puisse augmenter ni par courant, ni par quantité, ni par une plus grande chute, l’office de cette roue est terminé. C’est-à-dire que si une roue meut une machine, il est impossible que sans y employer une fois plus de temps, elle en meuve deux ; donc qu’elle fasse autant de besogne en une heure que deux machines avec une seconde heure ; ainsi la même roue peut faire tourner un nombre infini de machines ; mais, avec un très long temps, elles ne feront pas plus de besogne que la première en une heure. »

Un poids donné, tombant d’une hauteur donnée, produit donc un effet mécanique dont la grandeur est indépendante des circonstances qui accompagnent cette chute; cette grandeur demeure la même, que la chute s’accomplisse en une fois ou qu’elle soit fractionnée :

« Si quelqu’un descend[2] de marche en marche en faisant de l’une à l’autre un saut, et que tu additionnes toutes les puissances des percussions et poids de tels sauts, tu trouveras qu’elles sont égales à la totalité de la percussion et du poids que donnerait un tel homme tombant, par ligne perpendiculaire, de la tête au pied du dit escalier. »

Les passages que nous venons de citer renferment l’énoncé d’un principe qui est, pour l’art de l’ingénieur, d’une importance capitale ; mais ce principe n’est, en dernière analyse, que l’aboutissant logique de l’axiome posé par Aristote. Non content de faire porter des fruits aux semences déposées par la Mécanique péripatéticienne, Léonard de Vinci aborde et résout une difficulté qui avait fait hésiter le Stagirite.

L’extrémité d’un levier qui s’appuie sur un axe horizontal décrit une circonférence de cercle placée dans un plan

  1. Les Manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien ; Ms. A de la Bibliothèque de l’Institut, fol. 30, recto. Paris, 1881.
  2. Les Manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien ; Ms. I de la Bibliothèque de l’Institut, fol. 14, verso. Paris, 1889.