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composante verticale de cette vitesse ou, en d’autres termes, de la vitesse de chute.

Si donc on suspend un poids donné en quelque point d’un solide mobile autour d’un axe horizontal, la puissance motrice de ce grave sera d’autant plus grande que le point de suspension s’abaissera plus rapidement par l’effet d’une rotation donnée, imprimée au support ; partant, elle sera d’autant plus grande que le point de suspension sera plus distant du plan vertical contenant l’axe.

Il nous est aujourd’hui bien facile d’achever cette analyse et, des prémisses posées, de tirer la proportionnalité entre la puissance motrice du grave suspendu et la distance du point de suspension au plan vertical contenant l’axe ; il nous suffit de nous reporter à la définition de la vitesse de chute, rapport d’une chute infinitésimale à sa durée infiniment petite ; nous voyons ainsi que la puissance motrice d’un poids, suspendu à un corps mobile autour d’un axe, est mesurée par le moment de ce poids par rapport au plan vertical contenant l’axe. Mais la notion de rapport entre deux quantités infiniment petites n’était point parvenue à maturité lorsque Cardan écrivait ; il ne pouvait donc développer la déduction dont nous venons de tracer la marche ; il pouvait seulement montrer que la puissance motrice du grave suspendu croît en même temps que son moment ou bien encore, comme il le fit dans l’Opus novum[1], admettre par intuition la proportionnalité de ces deux grandeurs. Le lien mécanique qui unit l’axiome d’Aristote, transformé[2] et devenu

  1. Cardan, Opus novum, Propositio XCVIII. Basileae, 1570, p. 92.
  2. En l’Opus novum, œuvre conçue dans sa vieillesse, Cardan semble parfois oublier la transformation qu’il a fait subir à l’axiome d’Aristote, pour recourir à cet axiome pris sous sa forme première ; ainsi la théorie du levier (a) y est exposée par un raisonnement analogue à celui que l’on trouve dans les Mηχανικὰ προβλήματα ; d’ailleurs l’influence de cet ouvrage se fait sentir à chaque instant dans l’Opus novum, où Cardan fait de nombreux renvois au Traité du Stagirite.
    (a) Cardan, Opus novum, Propositio XLV : Rationem staterae ostendere. Basileae, 1570, p. 34.