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études historiques

là de ces secousses qui, le danger passé, se trouvent parfois avoir consolidé l’organisme en y déposant le germe d’une vigueur renforcée. Si le Canada n’a point passé par là, les autres communautés anglo-saxonnes en ont presque simultanément fait l’expérience. Les annales véridiques du « cyclone de l’or » en Californie (1848-1851) ont l’intérêt des romans d’aventure les plus émouvants. Quelques mois suffirent à tripler le chiffre de la population et dans Yerba-buena, devenue San-Francisco, quelques heures suffirent à faire et à défaire des fortunes. L’Australie connut de 1851 à 1855 pareille effervescence. Là aussi vinrent des aventuriers qui se muèrent peu à peu, en citoyens. L’ordre naquit du heurt passionné des énergies individuelles. Ce fut un ordre ultra-démocratique. On vit les colonies australiennes établir le suffrage universel, l’électorat et l’éligibilité des femmes, la journée de huit heures, l’impôt progressif, l’école officielle et neutre, reconnaître les syndicats ouvriers, séparer l’Église de l’État, introduire des monopoles… bien avant que l’Europe ne consentit à voir dans ces réformes autre chose que d’impraticables et dangereuses rêveries. En même temps, un nationalisme anticipé se manifestait. Les Australiens obligèrent la métropole à se saisir des terres environnantes ou à les disputer à la France et à l’Allemagne ; ils voulaient être seuls maîtres des approches de leur continent dont pourtant la plus grande portion leur demeurait inconnue et qu’ils n’arrivaient pas à unifier politiquement. Alors que le principe de la fédération était depuis longtemps ancré dans leurs cerveaux, des querelles de détail les empêchaient de la constituer. On y parvint par étapes et à l’orée du xxe siècle, la « Commonwealth of Australia » — disons la république d’Australie — prit rang fièrement avec son drapeau constellé parmi les peuples émancipés.

Le sort de la Nouvelle-Zélande avait été un peu différent comme l’étaient sa formation physique et ses conditions ethniques. Des deux grandes îles contiguës qui la constituent et dont l’ensemble égale à peu près l’Italie, l’une, l’île du sud, aux cimes neigeuses, vécut sans grands efforts une vie de travail régulier sous un climat favorable ; l’île du nord fut, au contraire, troublée par des guerres indigènes. Les Maoris qui étaient peut-être un million à l’origine et dont le nombre a décru jusqu’à faire prévoir leur élimination totale défendirent énergiquement, de 1860 à 1868, leurs droits à la possession du sol contre les colons européens. La colonisation avait été