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CHAPITRE XXVIII.

plus un orateur judiciaire qu’un orateur politique. Il s’était voué surtout à la défense des accusés, et il avait fait mettre cette inscription au-dessus de la porte de sa demeure : Ici l’on console les malheureux. Il avait amassé à ce métier une fortune considérable, et aussi en enseignant aux jeunes gens ces principes de l’art oratoire que lui avaient révélés son talent, son expérience, surtout son âme. On prétend qu’à quarante ans et plus, il alla à l’école de Gorgias. Sans doute ce fut, comme Socrate y allait, pour pénétrer les vanités de la sophistique, pour apprendre à prémunir ses disciples contre les arguments captieux, et pour se confirmer lui-même dans ces graves et sévères méthodes. Les contemporains d’Alcibiade donnaient au vieil orateur de l’aristocratie le nom de Nestor ; et le titre de Rhamnusien était devenu synonyme d’homme éloquent, grâce à l’éloquence du citoyen de Rhamnunte. Antiphon déplaisait souverainement aux générations nouvelles ; et pourtant l’admiration triomphait des préventions de la haine.


Discours attribués à Antiphon.


Nous possédons quinze discours attribués à Antiphon. Mais la haute idée que nous sommes en droit de nous faire des œuvres qui lui avaient mérité l’honneur de figurer parmi les grands orateurs, ne permet guère de regarder ces discours comme authentiques. Ce sont des plaidoyers, dont trois seulement semblent avoir été prononcés dans des causes réelles. Les douze autres ne sont que des déclamations d’école, distribués en trois tétralogies : chaque tétralogie se compose de quatre discours roulant sur le même sujet. Il est fort possible que ces douze plaidoyers soient sortis de l’école même d’Antiphon, et que ce soient les rédactions de quelques exercices de ses disciples ; mais la main du maître n’y est pas beaucoup visible. Les trois autres eux-mêmes ne sont guère plus dignes d’Antiphon. D’abord on y chercherait en vain quelque chose qui ressemble à l’éloquence ; et, au lieu de cette plénitude de pensées, de cette gravité, de cette majesté, dont on prétend qu’Antiphon avait enseigné le