Page:Pilard - Deux mois à Lille par un professeur de musique, 1867.djvu/36

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qu’il ne faut pas songer à trouver dans la fugue, résultat d’un froid calcul. Inventée, selon toute apparence, pour suppléer au défaut d’inspiration mélodique, elle donne au compositeur qui l’a étudiée suffisamment les moyens de noircir beaucoup de papier sans être obligé de faire la dépense d’un chant.

— « Mais dans tout morceau, il y a au moins un chant principal.

— « Un chant, Madame ! Parle-t-on de chant, de mélodie dans une fugue ? Ce genre de composition tout pédantesque n’admet que le mot sujet ou contre-sujet. Prenez quelques notes au hasard que vous mettrez l’une au bout de l’autre ; cela suffit au musicien savant pour vous faire une fugue ; mais de chant point n’est question. Du reste, comme preuve, veuillez, Madame ou Monsieur, me citer le chant de votre scherzo d’hier.

— « Nous avouons que nous ne le pouvons ; mais peut-être y arriverions-nous avec le livre à la main.

— « Prenons donc le quatuor ; vous avez eu l’heureuse idée d’en acheter la partition, il sera facile, ayant toutes les parties simultanées sous les yeux, de faire l’analyse générale de l’œuvre. Nous trouvons tout d’abord un sujet ou demande, suivi tout naturellement d’une réponse ; la réponse est à la quarte, aussi assigne-t-elle la distance de quarte à toutes les imitations qui vont se produire dans le courant de la fugue. Quant au contre-sujet, nous trouvons…

— « Ah ! par exemple, en voilà du pédantesque !

— « Je vous attendais là, Madame. Récapitulons : vous n’avez pu trouver dans cette fugue la moindre idée mélodique ; vous ne pouvez y admirer la beauté des accords, car le morceau, par son mouvement rapide, n’est qu’un steeple-chase à quatre, et une partie ne s’arrête guère sur un accord que juste le temps nécessaire pour reprendre haleine. En résumé, il est