Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/133

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vertu des pauvres ; la vertu doit être la probité des riches.

On rapporte quelquefois à la vertu des actions où elle a peu de part. Un service offert par vanité, ou rendu par foiblesse, fait peu d’honneur à la vertu.

On retire un homme de son nom d’un état malheureux, dont on pouvoit partager la honte. Est-ce générosité ? C’est tout au plus décence, ou peut-être orgueil, intérêt réel et sensible.

D’un autre côté, on loue et on doit louer les actes de probité où l’on sent un principe de vertu, un effort de l’âme. Un homme pauvre remet un dépôt dont il avoit seul le secret ; il n’a fait que son devoir, puisque le contraire seroit un crime ; cependant son action lui fait honneur, et doit lui en faire. On juge que celui qui ne fait pas le mal dans certaines circonstances, est capable de faire le bien : dans un acte de simple probité, c’est la vertu qu’on loue.

Un malheureux pressé de besoins, humilié par la honte de la misère, résiste aux occasions les plus séduisantes. Un homme dans la prospérité n’oublie pas qu’il y a des malheureux, les cherche et prévient leurs demandes. Je chéris sa bienfaisance. Je les estime, je les loue tous deux ; mais c’est le premier que j’admire. J’y vois de la vertu.