Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/14

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Baronne de Luz, les Confessions du comte de ***, et Acajou. Ce dernier, comme on sait, étoit une espèce de pari ; M. le comte de Tessin, ministre de Suède en France, et qui étoit à Paris de la société de ces messieurs, avoit composé un petit roman de féerie intitulé : Jaunillane ou l’Infante jaune, et il avoit fait graver, d’après les dessins de Boucher, une douzaine d’estampes pour en décorer les exemplaires quand il seroit imprimé. Rappelé en Suède pour y être ministre d’état et gouverneur du prince royal, il emporta son manuscrit, et laissa les dessins et les planches à Boucher qui les montra à Duclos pour savoir ce qu’il en pourroit faire. MM. de Caylus, de Surgères, de Voisenon et autres, virent aussi ces estampes dont les sujets étoient bizarres et inintelligibles ; on les regarda comme une espèce de problème dont il seroit piquant de trouver la solution. Chacun s’évertua à composer un conte dont les différentes situations pussent convenir aux gravures et les expliquer. Il y en eut quatre de faits ainsi : un par M. de Caylus, un par Duclos et deux par l’abbé de Voisenon. Celui de Duclos est le seul qui ait été connu du public : Acajou parut en 1744, avec les gravures, et la même année Favart le mit en opéra-comique[1]. MM. de Caylus, de Voisenon et Duclos, ayant travaillé d’après la même donnée, bien que séparément et d’une manière différente, on en induisit apparemment que les deux premiers avoient contribué a l’ouvrage du troisième, ou même l’avoient fait en entier. On en avoit déjà dit autant, quoiqu’avec bien moins de vraisemblance encore, de la Baronne de Luz et des Confessions du comte de ***. On peut supposer, sans trop de malignité, que, si ceux à qui ces bruits profitoient n’en étoient pas les premiers auteurs, du moins ils ne faisoient pas d’efforts pour les détruire, ou n’en faisoient que de manière à les fortifier. Tout le monde sait que l’abbé de Voisenon se laissoit attribuer les plus jolis ouvrages de Favart, auxquels les siens prouvent qu’il n’a pas eu la moindre part ; on sait encore que M. de Caylus mettoit sans cesse à contribution la plume de plusieurs gens de lettres et savans qui l’entouroient ; et Collé, dans un manuscrit que nous avons sous les yeux, nous apprend que M. de Pont-de-Veyle, quoique mieux partagé

  1. On a donné, en 1759, une imitation d’Acajou, intitulée Les Têtes folles, qui passe pour une bagatelle assez ingénieuse.