Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/169

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autres hommes. Mais dans les sociétés formées, les enfans ayant succédé au rang de leurs pères, et n’ayant plus qu’à jouir du fruit des travaux de leurs ancêtres, ils se plongèrent dans la mollesse. Les corps s’énervèrent, successivement les races ne parurent plus les mêmes. Cependant comme on continua de rendre les mêmes respects aux mêmes dignités, les enfans qu’on en voyoit revêtus avoient un extérieur si différent des pères, qu’on a dû prendre une idée très-opposée à celle de l’ancien air noble, qui avoit été synonyme de grand. Celui d’aujourd’hui doit donc être une figure délicate et foible, sur-tout si elle est décorée de marques de dignités ; car c’est principalement ce qui fait reconnaître l’air noble. En effet, on ne l’accorderoit pas aujourd’hui à une figure d’athlète ; la comparaison la plus obligeante qu’en feroient les gens du grand monde, seroit celle d’un grenadier, d’un beau soldat ; mais si les marques de dignités s’y trouvoient jointes, comme la nature conserve toujours ses droits, il éclipseroit alors tous les petits airs nobles, modernes, par un air de grandeur auquel ils ne peuvent prétendre. Il y a une grande distance de l’un à l’autre.

Le véritable air noble pour l’homme puissant, en place, en dignité, c’est l’air qui annonce, qui promet de la bonté, et qui tient parole.