Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/186

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uns contre les autres ; on cherche à ne se lancer que des traits fins ; on voudroit qu’ils fussent piquans sans être grossiers ; mais, comme l’esprit n’est pas toujours aussi léger que l’amour-propre est sensible, on en vient souvent à se dire des choses si outrageantes, qu’il n’y a que l’expérience qui empêche d’en craindre les suites. Si l’on pouvoit cependant imaginer quelque tempérament honnête entre le caractère ombrageux et l’avilissement volontaire, on ne vivroit pas avec moins d’agrément, et l’on auroit plus d’union et d’égards réciproques.

Les choses étant sur le pied où elles sont, l’homme le plus piqué n’a pas le droit de rien prendre au sérieux, ni d’y répondre avec dureté. On ne se donne, pour ainsi dire, que des cartels d’esprit ; il faudroit s’avouer vaincu, pour recourir à d’autres armes, et la gloire de l’esprit est le point d’honneur d’aujourd’hui.

On est cependant toujours étonné que de pareilles sociétés ne se désunissent point par la crainte, le mépris, l’indignation ou l’ennui. Il faut espérer qu’à force d’excès, elles finiront par faire prendre la méchanceté en ridicule ; et c’est l’unique moyen de la détruire. On remarque que la raison froide est la seule chose qui leur impose, et quelquefois les déconcerte.

On croiroit que l’habitude d’offenser rendroit