Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/192

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dicule. Cela se fait ou ne se fait pas : voilà la règle de nos jugemens. Cela doit-il se faire ou ne se pas faire ? il est rare qu’on aille jusque-là. En conséquence de ce principe, le ridicule s’étend jusque sur la vertu, et c’est le moyen que l’envie emploie le plus sûrement pour en ternir l’éclat. Le ridicule est supérieur à la calomnie, qui peut se détruire en retombant sur son auteur. La malignité adroite ne s’en fie pas même à la difformité du vice ; elle lui fait l’honneur de le traiter comme la vertu, en lui associant le ridicule pour le décrier ; il devient par là moins odieux et plus méprisé.

Le ridicule est devenu le poison de la vertu et des talens, et quelquefois le châtiment du vice. Mais il fait malheureusement plus d’impression sur les âmes honnêtes et sensibles, que sur les vicieux qui depuis quelque temps s’aguerrissent contre le ridicule ; parmi eux on en donne, on en reçoit, et l’on en rit.

Le ridicule est le fléau des gens du monde, et il est assez juste qu’ils aient pour tyran un être fantastique.

On sacrifie sa vie à son honneur, souvent son honneur à sa fortune, et quelquefois sa fortune à la crainte du ridicule.

Je ne suis pas étonné qu’on ait quelque attention à ne pas s’y exposer, puisqu’il est d’une si