Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/194

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monde ; et il est étonnant qu’un caractère aussi léger que le nôtre, se soit soumis à une servitude dont le premier effet est de rendre le commerce uniforme, languissant et ennuyeux.

La crainte puérile du ridicule étouffe les idées, rétrécit les esprits, et les forme sur un seul modèle, suggère les mêmes propos peu intéressans de leur nature, et fastidieux par la répétition. Il semble qu’un seul ressort imprime à différentes machines un mouvement égal et dans la même direction. Je ne vois que les sots qui puissent gagner à un travers qui abaisse à leur niveau les hommes supérieurs, puisqu’ils sont tous alors assujétis à une mesure commune où les plus bornés peuvent atteindre.

L’esprit est presque égal quand on est asservi au même ton, et ce ton est nécessaire à ceux qui, sans cela, n’en auroient point à eux ; il ressemble à ces livrées qu’on donne aux valets, parce qu’ils ne seroient pas en état de se vêtir.

Avec ce ton de mode on peut être impunément un sot, et on regardera comme tel un homme de beaucoup d’esprit qui ne l’aura pas : il n’y a rien qu’on distingue moins de la sottise que l’ignorance des petits usages. Combien de fois a-t-on rougi à la cour pour un homme qu’on y produisit avec confiance, parce qu’on l’avoit admiré ailleurs, et qu’on l’avoit annoncé avec