Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/262

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ne foi, et crient à l’injustice. S’il leur arrive, dans ces orages si communs aux amans, de se faire des reproches outrageans, ce sont des accès de fureur si peu réfléchis, qu’ils arrivent aux amans qui ont le plus droit de se respecter.

L’aveuglement peut n’être pas continuel, et avoir des intervalles où un homme rougit de son attachement ; mais cette lueur de raison n’est qu’un instant de sommeil de l’amour qui se réveille bientôt pour la désavouer. Si l’on reconnaît des défauts dans l’objet aimé, ce sont de ceux qui gênent, qui tourmentent l’amour, et qui ne l’humilient pas. Peut-être ira-t-on jusqu’à convenir de sa foiblesse, et sera-t-on forcé d’avouer l’erreur de son choix ; mais c’est par impuissance de réfuter les reproches, pour se soustraire à la persécution, et assurer sa tranquillité contre des remontrances fatigantes, qu’on n’est plus obligé d’entendre, quand on est convenu de tout. Un amant est bien loin de sentir ou même de penser ce qu’on le force de prononcer, sur-tout s’il est d’un caractère doux. Mais, pour peu qu’il ait de fermeté, il résistera avec courage. Ce qu’on lui présentera comme des taches humiliantes dans l’objet de sa passion, il n’en fera que des malheurs qui le lui rendront plus cher ; la compassion viendra encore redoubler, ennoblir l’amour, en faire une