Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 1.djvu/86

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Les hommes sont, dit-on, pleins d’amour propre, et attachés à leur intérêt. Partons de là. Ces dispositions n’ont par elles-mêmes rien de vicieux, elles deviennent bonnes ou mauvaises par les effets qu’elles produisent. C’est la séve des plantes ; on n’en doit juger que par les fruits. Que deviendroit la société, si on la privoit de ses ressorts, si l’on en retranchoit les passions ? Qu’importe en effet qu’un homme ne se propose dans ses actions que sa propre satisfaction, s’il la fait consister à servir la société ? Qu’importe que l’enthousiasme patriotique ait fait trouver à Régulus de la satisfaction dans le sacrifice de sa vie ? La vertu purement désintéressée, si elle étoit possible, produiroit-elle d’autres effets ? Cet odieux sophisme d’intérêt personnel n’a été imaginé que par ceux qui, cherchant toujours exclusivement le leur, voudroient rejeter le reproche qu’eux seuls méritent sur l’humanité entière. Au lieu de calomnier la nature, qu’ils consultent leurs vrais intérêts, ils les verront unis à ceux de la société.

Qu’on apprenne aux hommes à s’aimer entre eux, qu’on leur en prouve la nécessité pour leur bonheur. On peut leur démontrer que leur gloire et leur intérêt ne se trouvent que dans la pratique de leurs devoirs. En cherchant à les dégrader, on les trompe, on les rend plus malheu-