Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/109

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Tous ces bureaux de bel esprit ne servent qu’à dégoûter le génie, rétrécir l’esprit, encourager les médiocres, donner de l’orgueil aux sots, et révolter le public. Je cédai au dépit, et quittai madame de Tonins assez brusquement. Je rentrai dans le monde, bien convaincu que toute société tyrannique et entêtée de l’esprit, doit être odieuse au public, et souvent à charge à elle-même.

Pour me guérir radicalement et me dégager la tête de toutes les vapeurs du bel esprit, je résolus de vivre quelque temps dans la finance, et ce remède me réussit ; mais il n’étoit pas sûr, et je reconnus que j’avois eu jusque-là sur les financiers des idées très-fausses à bien des égards.

La finance n’est point du tout aujourd’hui ce qu’elle étoit autrefois. Il y a eu un temps où un homme, de quelqu’espèce qu’il fût, se jetoit dans les affaires avec une ferme résolution d’y faire fortune, sans avoir d’autres dispositions qu’un fonds de cupidité et d’avarice ; nulle délicatesse sur la bassesse des premiers emplois ; le cœur dégagé de tous scrupules sur les moyens, et inaccessible aux remords après le succès : avec ces qualités, on ne manquoit pas de réussir. Le nouveau riche, en conservant ses premières mœurs, y ajoutoit un orgueil féroce dont ses trésors étoient la mesure ; il étoit humble ou in-