Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/117

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Ce chef-d’œuvre, que m’avoit vanté Senecé, étoit une femme d’environ quarante ans, qui avoit encore des restes de beauté, sans avoir jamais eu d’agréments. Il lui restoit, de ses anciens charmes, un air un peu plus que hardi, qui relevoit merveilleusement la fadeur d’une blonde un peu hasardée.

Madame Dornal, c’étoit son nom, me fit assez d’accueil, quoiqu’elle m’insinuât que je devois être sensible à une préférence qu’elle me donnoit sur beaucoup de personnes qui désiroient d’être admises chez elle, où toute la compagnie étoit choisie. Je fus médiocrement flatté de la distinction : je ne laissai pas de lui répondre poliment ; mais je n’avois pas envie d’abuser de la permission qu’elle me donnoit, et je n’allai chez elle dans la suite que pour céder aux importunités de Senecé. Je connus bientôt le caractère de madame Dornal, et je fus indigné de voir un galant homme assez aveugle pour lui être attaché.

Quoique la dame Dornal fût sans naissance, et son mari un homme assez obscur, une de ses manies étoit de se donner pour femme de condition, et d’en parler aussi souvent que tous ceux qui en importunent toujours, et ne persuadent jamais. Le cercle brillant qui se rendoit chez elle, se réduisoit à cinq ou six vieilles joueuses, et quel-