Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/130

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Je trouvai la fidèle Dornal dans le déshabillé le plus galant ; il ne lui manquoit que de la jeunesse et des charmes, et à moi de l’amour. J’eus quelques remords sur le rôle que je jouois ; mais je me raffermis par le motif. Je ne doutois point que Senecé ne me suivît bientôt. Je ne me trompois pas. Il entra un moment après moi, et dans le temps que la Dornal vint m’embrasser avec transport en me pressant de nous mettre au lit. Senecé l’entendit distinctement. La fureur le tint quelque temps immobile ; la Dornal fut extrêmement déconcertée, et je parus l’être. Enfin Senecé, me regardant avec des yeux furieux : C’est toi, perfide ami ! me dit-il, qui partages l’infidélité de cette malheureuse, et en même temps il vint sur moi l’épée à la main. Je n’eus que celui de me mettre en défense, et de parer le coup qu’il me portoit ; mais l’audacieuse Dornal, qui s’étoit rassurée dans l’instant, le saisit et lui demanda de quel droit il venoit chez elle faire un tel scandale, et lui ordonna de sortir.

Rien n’égale l’étonnement que me donna cette impudence ; il augmenta encore lorsque j’en vis l’effet. Ces paroles, qui auroient dû mettre le comble à la fureur de Senecé, lui imposèrent. La Dornal continua de le traiter avec la dernière hauteur, et je vis Senecé trembler devant son tyran.