Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/142

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur son visage. On ne voit point de ces physionomies-là dans le monde. Les traits les plus réguliers et les plus séduisans ne perdoient rien de leur éclat, malgré l’abattement et la pâleur qui devoient naturellement les éteindre. Elle n’avoit pas la force de se soutenir ; elle n’osoit me regarder, et ne respiroit que par de profonds soupirs. Je lui dis d’approcher : elle le fit en tremblant ; sa frayeur me parut extrême. Que craignez-vous, lui dis-je, mademoiselle ? vous est-il arrive quelque nouveau malheur ? quelle raison vous a fait venir ici ? Celle de vous marquer notre reconnoissance, répondit-elle en hésitant. Vous en avez plus, lui dis-je, que ne mérite un simple sentiment d’humanité ; il faut que vous ayez d’autres sujets de vous affliger : parlez en assurance ; je ne vous demande, pour toute reconnoissance, que de me faire connoître vos nouveaux besoins. Au lieu de me répondre, elle jeta les yeux sur sa mère, et se mit à pleurer. La mère ne put retenir ses larmes, elle prit sa fille entre ses bras ; elles se tenoient l’une et l’autre embrassées ; elle se seroient comme si elles eussent craint d’être séparées pour toujours. Je ne savois que penser d’une douleur aussi immodérée ; je crus enfin en pénétrer le motif. Auriez-vous craint, leur dis-je, que j’osasse abuser de votre malheur ? N’est-ce point une idée aussi injurieuse