Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/178

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d’elle : mon état y pouvoit être languissant ; mais du moins il auroit été sans remords. Ce qui achevoit de m’inquiéter, étoit la crainte que madame de Selve ne vînt à être instruite de mon intrigue avec madame Dorsigny, que je croyois aimer : le plaisir imite un peu l’amour.

Ce n’est pas que je ne rendisse une justice exacte à l’une et à l’autre ; mon esprit étoit plus juste que mon cœur. Je m’amusois avec madame Dorsigny ; mais je n’avois nulle confiance en elle ; au lieu qu’il n’arrivoit rien dans ma fortune et mon état, que je n’allasse sur-le-champ en rendre compte à madame de Selve, et lui demander ses conseils. Je la retrouvois toujours la même, tendre, sage, éclairée ; je n’en étois pas digne. Dans ces occasions mon amour se ranimoit avec vivacité ; mais il retombait bientôt dans la langueur. Les feux de l’amour, une fois amortis, ne produisent plus d’emhrasemens. Je crus que, pour avoir la tranquillité avec moi-même, je devois rendre plus rares mes visites chez madame de Selve, et devenir plus criminel pour perdre mes remords. Mes visites, peu fréquentes, n’étoient donc plus qu’un devoir que je remplissois avec contrainte.

Cependant madame de Selve étoit en état d’accepter ma main ; mais je n’avois plus l’empressement de la lui offrir. Je ne doutois point