Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/194

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mieux conserver votre cœur par mon indulgence, que de vous éloigner par une sévérité dont l’effet retomberoit particulièrement sur moi. Si je suivois votre exemple, vous ne pourriez pas raisonnablement me blâmer. La nature n’a pas donné d’autres droits aux hommes qu’aux femmes ; cependant vous auriez la double injustice de condamner en moi ce que vous vous pardonnez. Ce qui doit principalement vous rendre la tranquillité à cet égard, c’est que les femmes, avec plus de tendresse dans le cœur que les hommes, ont les désirs moins vifs. Les reproches injurieux qu’on leur fait, injustes en eux-mêmes, doivent plutôt leur origine à des hommes sans probité et maltraités des femmes, qu’à des amans favorisés. Pour moi, je vous avoue que je suis fort peu sensible aux plaisirs des sens ; je ne les aurois jamais connus sans l’amour. J’ajouterois que les sens n’exigent que ce qu’on a coutume de leur donner, et que les hommes mêmes sont souvent plus occupés à les irriter qu’à les satisfaire. Ainsi soyez sûr de ma fidélité, quoique vous ne soyez pas en droit de l’exiger. Vous êtes moins heureux que moi, et j’ai plus de plaisir à vous aimer que vous n’en trouvez dans votre inconstance.

Mon admiration et mon respect augmentoient chaque jour pour madame de Selve. Ses senti-