Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/50

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palais, et dans un endroit peu fréquenté ; je compris qu’il me seroit aisé, à la faveur du masque, de me rendre chez lui. Je convins le soir au Ridotte, avec le signor Carle, qu’il m’attendroit le lendemain sur les trois heures. Quoique je fusse animée par l’amour, quand l’heure de mon départ arriva, je sentis un trouble qui m’étoit inconnu ; mon cœur palpitoit ; j’envisageois les conséquences de ma démarche ; j’avois cette irrésolution qui vient plus des doutes de l’amour que des combats de la vertu ; j’éprouvois ce doux frissonnement que donnent les approches du plaisir. Mon amant, qui m’attendoit, me prit dans ses bras, et me conduisit dans son appartement ; ce ne fut pas sans m’arrêter à chaque pas pour m’accabler de caresses : mon âme n’étoit plus à elle. Trop étonnée pour me refuser à l’amour, trop passionnée pour avoir des remords, mon âme nageoit dans les plaisirs, et ne fit qu’un instant de quelques heures ; tout m’étoit nouveau, et cette nouveauté est l’âme de l’amour. Jamais une plus aimable confusion ne s’est emparée des idées ; timide sur mes désirs, embarrassée dans mes expressions, séduite par les plaisirs, animée par ceux de mon amant, je n’étois que docile et soumise. La nuit qui survint nous fit voir avec regret qu’il falloit s’arracher des bras