Page:Pinot Duclos - Œuvres complètes, tome 8.djvu/81

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mencer une intrigue doit paroître ridicule à tous les gens sensés ; c’est cependant une de celles qui réussissent le mieux aux jeunes gens à la mode. La plupart de leurs lettres sont mal reçues ; mais de vingt, qu’il y en ait une qui fasse fortune, on n’a pas perdu son temps ; cela suffit avec le courant pour entretenir commerce. La comtesse de Vignolles étoit une de celles à qui j’avois écrit. Je ne la connoissois que de vue ; mais sa coquetterie, ou plutôt son libertinage, étoit si bien établi, qu’elle ne fut point étonnée de ma déclaration. Comme le hasard faisoit qu’elle n’avoit point alors d’amant en titre, elle ne balança pas à me faire une réponse favorable. Je crus qu’il ne me convenoit pas de lui rendre des soins, qu’en effet elle ne méritoit guère ; je me contentai de lui envoyer l’adresse de ma petite maison, en l’avertissant que je l’y attendrois le lendemain à souper. Elle ne manqua pas de s’y rendre, comme je l’avois prévu. Elle avoit tellement secoué les préjugés de bienséance, qu’elle ne me donna pas la peine de jouer l’homme amoureux. Nous soupâmes avec plus de gaîté, que si nous eussions eu un véritable amour l’un pour l’autre. Son cœur n’avoit aucune part à la démarche qu’elle faisoit ; ainsi son esprit et sa gaîté parurent en pleine liberté.

Madame de Vignolles possédoit éminemment