Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/146

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Byzance avait réussi à se conserver un débouché vers l’Occident. Ce qu’aucun des possesseurs successifs de l’Italie n’avait pu faire, les Normands l’avaient accompli en moins d’un demi-siècle. L’État, qu’ils venaient de fonder au point de contact de trois civilisations différentes, allait bientôt prendre une importance politique de premier ordre et jouer dans les destinées de l’Empire, un rôle inattendu.

Rien ne montre mieux combien, dans cet Empire, les apparences étaient en contradiction avec la force réelle, que l’attitude toute passive de Henri III à l’égard de cette jeune et entreprenante puissance qui se formait sur ses frontières. Il n’avait pas assez de force pour faire surgir une question italienne. Il lui suffit d’avoir résolu provisoirement la question de la papauté.

La situation de Rome, au moment de son couronnement impérial n’avait jamais été plus déplorable. Pendant que la réforme clunisienne s’emparait des âmes et que l’Église aspirait, dans ce qu’elle avait de plus pur et de plus ardent, à assurer sa domination spirituelle par une piété plus fervente et une discipline plus stricte, le siège de Saint Pierre donnait le scandale de trois papes se disputant ou se vendant la tiare. Plein de zèle pour la réforme religieuse, Henri voulut rendre à tout jamais impossible le retour de ces conflits incessants et des intrigues féodales qui empêchaient, depuis si longtemps, la papauté de répondre à sa mission. Un synode, qu’il convoqua à Sutri, déposa les trois pontifes rivaux, puis les Romains reçurent l’ordre de nommer le candidat qui leur fut désigné par le monarque, l’évêque de Bamberg, Suidger, qui prit le titre de Clément II (1046). Les autres papes qui lui succédèrent jusqu’à la fin du règne, Damase II (1048-1049), Léon IX (1049-1054) et Victor III (1055-1057) furent, comme lui, Allemands ou du moins sujets de l’Empire et imposés aux Romains par la volonté impériale. Tous aussi furent des pontifes excellents, des Clunisiens convaincus qui rendirent à la papauté le prestige et l’influence que l’Église aspirait à lui voir reprendre. Mais elle ne les reprenait qu’en violant, par une contradiction flagrante, les principes mêmes dont elle s’inspirait désormais. Sans doute, la tyrannie des comtes de Tusculum ne faussait plus les élections pontificales au profit d’indignes favoris ; mais l’intervention de l’empereur, si favorables qu’en fussent les résultats, n’était-elle pas une ingérence directe dans le domaine du droit canonique et, pour parler franc, un acte évident de simonie ? Henri n’avait pas