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et il faut faire une nouvelle Croisade qui échoue (2e Croisade). En 1187, Saladin, sultan d’Égypte, conquiert Jérusalem qui ne devait jamais être repris.

De ce grand mouvement des Croisades, il n’est donc guère sorti qu’une activité plus grande et plus rapide du mouvement commercial dans la Méditerranée. Elles n’ont servi en rien, ou bien peu, à faire connaître les progrès économiques et scientifiques de l’Islam à l’Occident. Ceux-ci furent connus par l’intermédiaire de la Sicile et de l’Espagne. Elles auraient pu du moins ouvrir le monde grec ; il n’en fut rien. Il était trop tôt pour que les Occidentaux pussent s’intéresser aux trésors qui dormaient dans les bibliothèques byzantines. Il fallut attendre le moment où les réfugiés du xve siècle les apporteraient en Italie. Il en fut comme pour l’Amérique découverte par les Normands, puis reperdue parce que l’on n’en avait pas encore besoin au xie siècle.

En somme, l’immense effort des Croisades eût peu de conséquences directes. Il ne repoussa pas l’Islam, ne rattacha pas l’Église grecque, ne conserva pas même Jérusalem, ni Constantinople. En revanche, son importance fut considérable dans un domaine, tout à fait opposé à l’esprit qui l’avait inspirée : son vrai résultat fut le développement du commerce maritime italien et, à partir de la quatrième Croisade, la constitution de l’empire colonial de Venise et de Gênes dans le Levant. C’est une chose très caractéristique que l’on puisse expliquer toute la formation de l’Europe sans avoir besoin, une seule fois, de faire intervenir la Croisade, sauf cette exception de l’Italie.

Elle eût encore une conséquence d’ordre religieux. La guerre sainte se substitue depuis la première Croisade à l’évangélisation des non chrétiens. Elle sera employée aussi contre les hérétiques. L’hérésie des Albigeois et, plus tard, celle des Hussites, furent extirpées par la guerre sainte. Quant aux païens, les méthodes employées contre les Wendes, les Prussiens et les Lithaniens sont caractéristiques : il ne s’agit plus de convertir l’infidèle, mais de l’exterminer.