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La longue patience de la dynastie était arrivée au but qu’elle avait obstinément poursuivi. La monarchie française était devenue héréditaire, sans bouleversement ni coup d’État, par simple prescription.

Elle avait, en même temps, soigneusement et sagement administré son domaine. S’il n’était ni très riche, ni très étendu, il jouit, grâce à la politique pacifique des rois, d’une période de repos ininterrompue, de Hugues Capet à Louis VII. Paris, où la dynastie mène une existence casanière qui contraste si vivement avec l’existence voyageuse des empereurs toujours errant à travers l’Allemagne et l’Italie, ou des rois d’Angleterre passant continuellement de leur île à la Normandie, devient peu à peu le centre administratif de l’île de France, prétendant à son rôle futur de capitale du royaume. L’archevêque de Sens vient s’y fixer. Les prévôts de tous les domaines du roi y rendent leurs comptes. La présence permanente de la cour y entretient une activité politique et administrative dont on chercherait vainement l’analogue dans toute l’Europe. De même que Rome est la cité du pape, Paris est la cité du roi et elle tient de là une vie plus nuancée, un caractère moins bourgeois que les autres villes. Déjà au xiie siècle, l’attraction qu’elle exerce autour d’elle communique aux écoles de ses monastères une importance toujours croissante. Sous Philippe Auguste, la corporation de leurs maîtres et de leurs écoliers donnera naissance à la première « université » de l’Europe. Rien d’étonnant si, dans un milieu aussi actif, l’art se développe vigoureusement. L’abbé Suger de Saint-Denys, le ministre de Louis VII, attire à son abbaye des artisans des régions voisines, et Notre-Dame de Paris, commencée en 1163, est la première en date des grandes cathédrales gothiques. Le prestige de Paris sur la France a contribué fortement à l’unité du royaume et, depuis le xiie siècle, s’est augmenté dans la même mesure que celle-ci. L’action sociale de la capitale et l’action politique de la royauté n’ont pas moins contribué l’une que l’autre à former la nation.

II. – Les progrès de la royauté

Depuis l’avènement de Hugues Capet, la royauté n’avait pas eu de politique extérieure. Le seul voisin de la France avec lequel elle eût pu entrer en conflit, était l’Empire qui la bordait d’un bout à l’autre de sa frontière orientale : le long de l’Escaut et de la Meuse