Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

membres de la noblesse flamande. Poussé à bout, Ferrand ne tarda pas longtemps à prêter l’oreille aux avances du roi d’Angleterre, Jean sans Terre. En 1213 il concluait avec lui un traité d’alliance.

Le conflit dans lequel la Flandre était de nouveau entraînée, était cette fois un conflit européen. La politique de Philippe Auguste se développant avec le succès et le génie du roi, s’étendait maintenant à tout l’Occident et c’était une guerre générale qui allait décider du sort de la monarchie française.

La lutte de la France et de l’Angleterre, interrompue durant les dernières années de Henri II, avait repris dès le retour de Richard Cœur de Lion de la captivité où l’avait retenu le duc d’Antioche aux mains duquel il était tombé en revenant de la troisième Croisade (1194). Elle n’avait abouti à rien de décisif. Mais à peine Richard était-il mort et son frère Jean sans Terre monté sur le trône, Philippe se décidait à un éclat. Profitant du mécontentement qui avait accueilli le nouveau règne, il faisait assigner Jean à comparaître devant lui en qualité de duc de Normandie, pour se justifier du meurtre d’Arthur de Bretagne[1]. Jean n’ayant pas daigné répondre, le roi de France, agissant dans toute la rigueur de ses droits de suzerain, confisquait tous les fiefs tenus en France par la couronne d’Angleterre et, à l’exception de la Guyenne, les faisait occuper, doublant ainsi d’un seul coup l’étendue des terres de la couronne et lui donnant de Bordeaux Boulogne toutes les côtes de la mer. Les fautes accumulées par son rival qui, déjà aux prises avec les barons anglais s’attirait par surcroît, en 1209, l’excommunication du pape, secondaient à plaisir une politique aussi audacieuse. Philippe se faisait charger par Innocent III d’exécuter la sentence lancée contre lui et préparait activement une expédition contre l’Angleterre. Il était prêt au moment où Jean, s’humiliant devant le pape et reconnaissant son royaume comme fief du Saint-Siège, obtenait sa réconciliation. Philippe employa son armée et sa flotte contre la Flandre, s’avança jusqu’à Damme où les Anglais surprirent ses vaisseaux et les brûlèrent, puis rentra en France pendant que, derrière lui, Ferrand de Portugal reprenait possession de sa terre. Cependant, le conflit des États occidentaux s’était étendu à l’Allemagne. Des deux partis qui s’y combattaient, Guelfes et

  1. (I) Fils de Godefroid, le fils aîné de Henri II, que reconnaissait la Bretagne au lieu de Jean.