Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/233

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lui contre le Guelfe infidèle une nouvelle levée de Gibelins qui, cette fois, agiraient pour le Saint-Siège ? Pour exécuter un plan aussi hardi, il fallait un allié. La lutte qui venait d’éclater entre la France et l’Angleterre l’indiquait au pape : c’était Philippe-Auguste. Philippe savait en effet qu’Othon avait promis son appui à Jean sans Terre et rien ne pouvait lui venir plus à point qu’un soulèvement en Allemagne contre l’auxiliaire de son ennemi. De même que le trésor anglais avait acheté jadis des électeurs à Othon, de même le trésor français en acheta cette fois à Frédéric II. A peine le jeune prince se fut-il montré en Souabe, que quantité de princes se prononcèrent pour lui (1212). Deux ans plus tard, le coup de massue de Bouvines terrassait avec Othon le dernier représentant de la politique impériale telle que l’avait comprise depuis Frédéric Barberousse tous les empereurs allemands. Le 19 novembre 1212, Frédéric avait conclu un traité avec la France contre Othon et l’Angleterre. Le 12 juillet 1213, à Eger, il reconnaissait tous les biens du pape en Italie, et renonçait au droit de surveiller les élections épiscopales, conformément au Concordat de Worms. La lutte venait de décider en même temps entre lui et Othon, entre l’Empire et l’Église, entre la France et l’Angleterre.

C’en était fait pour toujours de la chimère que ces empereurs avaient poursuivie en rêvant de la reconstitution de l’Empire romain. Le pape triomphait : il ne pouvait douter, en 1214, que son pupille allait bientôt devenir le plus persévérant des ennemis du Saint-Siège. Mais la lutte qui devait s’ouvrir avec lui inaugure dans les rapports de la papauté et de l’Empire une phase toute nouvelle. À cette lutte d’ailleurs, l’Allemagne ne prendra aucune part. Frédéric l’abandonnera pour l’Italie et, livrée à elle-même, elle achèvera de tomber dans la décomposition politique avant de s’effondrer dans l’anarchie du grand interrègne.