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Comme en Flandre, celle-ci est déjà puissamment développée dans l’Italie du xiiie siècle et, comme en Flandre aussi, elle a pour conséquence la formation d’un véritable prolétariat ouvrier. Les tisserands de Florence, la grande ville drapière du midi, ne répondent pas plus que ceux de Gand, d’Ypres ou de Douai, au type usuel de l’artisan urbain. Loin de travailler pour leur propre compte, ils se composent de simples salariés, employés par les marchands. Le capitalisme naissant les soumet à son influence, et sa force comme son action augmentent à mesure que le commerce étend davantage l’exportation urbaine. Dès la première moitié du xiiie siècle, les draps florentins sont répandus dans tout l’Orient et les marchands de la ville l’approvisionnent de laine d’Angleterre. Une semblable activité manufacturière suppose évidemment un degré déjà considérable de développement capitaliste. Les fortunes accumulées par le commerce des marchandises s’augmentent encore par le commerce de l’argent. Les changeurs (banquiers) siennois et florentins se répandent au cours du xiiie siècle dans tout l’Occident, où on les désigne sous ce nom de Lombard qui, dans l’anglais moderne, reste encore attaché à certaines opérations de prêt. On a déjà vu les services qu’ils ont rendus à la papauté comme agents de finances. Mais en Angleterre, dans les Pays-Bas, en France, ils avancent des sommes de plus en plus considérables aux villes, aux princes, aux rois, sont employés comme receveurs, argentiers, gardes des monnaies. Sous Philippe le Bel, les Siennois Mouche (Musciatto) et Biche (Albizo) Guidi jouent à la fois le rôle de banquiers et de ministres des finances de la couronne, sans cesser pour cela d’être employés par le pape et par le roi de Sicile et de s’intéresser dans les affaires de diverses compagnies commerciales comme celle des Peruzzi. La Compagnie siennoise des Bonsignori était plus importante encore. Elle était, dit un texte relatif à sa faillite en 1298, la plus célèbre du monde et avait rendu des services sans nombre aux papes, aux empereurs, aux rois, aux villes et aux marchands. Elle avait déjà remboursé, cette même année, 200.000 florins d’or à ses créanciers et on lui laissa du temps pour s’acquitter du reste, une partie de son capital étant engagé en prêts faits dans diverses parties du monde et qu’il était impossible de réaliser tout de suite. Sa disparition eut pour résultat de faire de Florence le centre du commerce de l’argent et de la banque jusqu’au xve siècle. Les relations de la ville avec l’Orient avaient dû, de bonne heure, attirer l’attention de ses hommes d’affaires sur le commerce des