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d’essentiel comme un différend entre deux puissances italiennes. Ce n’est que sur la fin qu’il a pris plus d’ampleur et poussé Frédéric, excommunié et déposé par Innocent IV, à se donner comme le représentant de la cause des rois en face des prétentions de l’Église.

Mais, dès le principe, sa situation vis-à-vis de l’Église fut très mauvaise. Pour justifier ses prétentions sur l’Italie, il avait besoin d’être empereur et, pour le devenir, il s’était lié les mains. Les promesses de son couronnement donnaient barre sur lui à la papauté. En se reconnaissant vassal du Saint-Siège pour la Sicile, il s’était mis dans la position la plus fausse. Car la suzeraineté du pape sur le royaume était incompatible avec le pouvoir absolu qu’il y exerçait. Aussi était-il bien décidé à ne tenir aucun compte de ses engagements. La longanimité d’Honorius III empêcha le conflit d’éclater tout de suite. Mais à peine Grégoire IX était-il monté sur le trône de Saint Pierre (1227), Frédéric se vit sommé de s’acquitter de ses obligations et tout d’abord de partir pour la Croisade. Il essaya de gagner du temps, s’embarqua, puis revint. Aussitôt l’excommunication s’abattit sur lui. Il essaya de rétablir les choses en s’exécutant. En juillet 1228, il mit à la voile pour la Terre Sainte et un traité avec le Sultan lui permit d’entrer sans coup férir à Jérusalem et d’y stipuler la liberté pour les chrétiens de visiter le tombeau du Christ. Le pape resta inexorable. L’interdit fut jeté sur tous les lieux où il passait et la prière qu’il vint faire au Saint Sépulcre apparut comme une profanation. Aucun prêtre ne se trouva qui consentit à le couronner roi de Jérusalem et il en fut réduit à se placer lui-même la couronne sur la tête.

Cependant Grégoire IX reformait l’alliance de la papauté avec les villes lombardes et envahissait la Sicile. Frédéric revint en Italie pour combattre. La paix fut enfin conclue le 28 août 1230. Une fois de plus l’empereur accepta les conditions de la papauté, garantit la liberté la plus complète à l’Église sicilienne, qu’il avait soumise aux impôts et à la juridiction de l’État, et fut à ce prix relevé de l’excommunication qui pesait sur lui depuis trois ans.

Réconcilié avec Rome, il tourna tous ses efforts contre les Lombards. La lutte fut longue et acharnée. Ce n’est qu’en 1238 que la fortune se prononça enfin pour Frédéric et qu’il crut le moment venu d’étendre à l’Italie du nord l’administration sicilienne en étouffant sous le despotisme l’autonomie et l’esprit républicains de ses villes. Enorgueilli par ses succès, il se croit désormais le maître de l’Italie, y institue des « vicaires » et des « capitaines » ;