Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/268

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Le commerce de cette mer entourée de pays neufs et peu peuplés ne pouvait se développer que par l’exportation des blés de l’Allemagne du nord et des fourrures de la Russie vers les régions occidentales d’où il amenait en revanche les vins, les épices et les étoffes de luxe. Bruges où venait aboutir la grande voie qui rattachait la Flandre à l’Italie était depuis longtemps déjà l’objectif des navigateurs allemands de la Mer du Nord. Ceux de la Baltique suivirent la même direction et la communauté de leurs intérêts les rapprocha tout de suite les uns des autres. De ces relations économiques naquit la Hanse, c’est-à-dire la confédération non seulement des marchands mais des villes auxquelles ils appartenaient depuis Riga jusqu’à Cologne. Elle s’étendit même à la longue à quelques villes non maritimes telles que Breslau et Munster. Lubeck, placée au milieu de la longue côte qui s’étend de l’Escaut à la Duna, en devint le centre dès le milieu du xiiie siècle. Les intérêts commerciaux de tous les membres de la ligue concordaient suffisamment pour que, malgré des différends locaux et passagers, la bonne entente se maintînt ordinairement entre eux. Grâce la Hanse, la navigation allemande resta prépondérante dans les deux mers septentrionales jusqu’au milieu du xve siècle.

On peut résumer ce que l’on vient de lire en disant que, depuis la fin du xiie siècle, l’Allemagne occupe une place de plus en plus petite dans la politique européenne et une place de plus en plus grande sur la carte de l’Europe. Aidée par une série d’entreprises de conquête et de propagande religieuse, la colonisation germanique s’étend de la Basse-Elbe au Niémen et s’interpose entre la mer et les États slaves de l’intérieur, Pologne et Russie, préparant ainsi des conflits et des guerres qui, depuis le xive siècle, ne cesseront pas de troubler périodiquement la paix de l’Europe orientale. L’absence de frontières naturelles dans ces régions où seule la différence des idiomes sépare les peuples les uns des autres, les prédestinait à devenir le théâtre d’une lutte qui devait prendre nécessairement le caractère d’une lutte nationale dans le sens le plus brutal, c’est-à-dire dans le sens ethnographique du mot. Là où le relief du sol répartit les États dans des cadres distincts et où la nature elle-même trace pour ainsi dire les limites des patries, les guerres sont purement politiques et la conquête n’entraîne pas l’asservissement du vaincu. Les divers régimes étrangers auxquels le peuple italien a été soumis du xe au xixe siècle n’ont en rien altéré son essence propre. Mais il en va autrement dans ces plaines