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comte, transporté de fureur, abattit d’un coup de lance. Il n’en fallait pas tant pour que le pape mît au ban des fidèles un prince et un pays coupables d’outrage à la majesté de Rome et à la foi catholique. Du nord de la France accoururent, sous la conduite de Simon de Montfort, des bandes de chevaliers également animées par la haine des hérétiques et l’espoir du butin. La guerre fut atroce et sans merci. Béziers, Carcassonne furent mises à sac. Le roi Pierre II d’Aragon, venu au secours de Raymond VI, son parent, périt dans un combat ; Simon de Montfort eut le même sort en 1218. Il laissait à son fils Amauri les terres conquises par lui sur le comte de Toulouse. Cependant, à Raymond VI avait succédé son fils Raymond VII et Amauri implora contre lui l’aide du roi de France, Louis VIII, qui avait pris part comme prince royal à la Croisade contre les Albigeois, parut cette fois en Languedoc comme arbitre souverain, à la tête d’une armée. Amauri lui céda ses droits ; Raymond VII n’osa résister. Le midi se courbait à son tour sous la couronne. Louis VIII n’eut d’ailleurs pas le temps d’achever l’absorption commencée. Le 8 novembre 1226, au cours de la campagne, la mort l’arrêtait inopinément.

Le royaume passait à un enfant de onze ans. Une longue régence était en perspective. Le roi défunt en avait chargé la reine Blanche de Castille, lui faisant assumer un rôle qu’aucune reine de France ne devait plus jouer avant Catherine de Médicis.

Il était naturel que les grands vassaux profitassent de l’occasion pour chercher à regagner le terrain perdu par eux depuis l’avènement de Philippe Auguste. Mais rien ne montre mieux l’affermissement du pouvoir royal que l’échec de leur révolte, malgré l’appui du roi d’Angleterre, Henri III. L’ordre social avait changé. Lors de la dissolution de l’Empire carolingien, au milieu d’une civilisation agricole et sans commerce, il avait favorisé les princes et leur avait valu l’acquiescement des populations parce qu’ils étaient seuls capables de protéger l’ordre public que les rois ne pouvaient plus maintenir. Aujourd’hui, dans une société affranchie du système domanial, parcourue par les marchands et transformée par les besoins nouveaux de la bourgeoisie, les petites patries locales tendaient naturellement à se grouper sous la tutelle puissante de la couronne et se détachaient des princes dont les prétentions ne correspondaient plus aux besoins du temps. L’opposition princière ne fut d’ailleurs ni générale, ni très énergique. Comme celle de tous les partis réactionnaires, elle manquait d’enthousiasme et de con-