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que le roi Jean Baliol eût reconnu la suzeraineté anglaise et prêté serment de fidélité à Édouard (1292), leur indignation fut telle que Baliol dut rompre les obligations qu’il venait de contracter et se décider à prendre les armes. Peut-être eut-il hésité s’il n’avait été encouragé dans son attitude par Philippe le Bel. Le roi de France avait cru, en effet, devoir saisir le moment des difficultés d’Édouard avec l’Écosse pour balayer l’Angleterre de ses dernières possessions continentales. Il avait donné ordre d’occuper la Guyenne en même temps qu’il se liait à Baliol par un traité inaugurant ainsi cette politique d’alliance de la France et de l’Écosse qui, à travers les fluctuations de l’histoire d’Europe, reparaîtra durant des siècles, unissant les deux pays contre l’ennemi commun. Le premier essai en fut d’ailleurs malheureux. Édouard se bornant à la défensive en Guyenne, tourna toutes ses forces contre Baliol, s’empara de sa personne après l’avoir vaincu à Dunbar (1296) et fit transporter la pierre sur laquelle on couronnait les rois d’Écosse à l’abbaye de Westminster, où elle se trouve encore. Le royaume d’Écosse avait momentanément cessé d’exister et n’était plus qu’une province anglaise.

Édouard pouvait maintenant se tourner contre la France. Mais l’attaquer avec ses seules forces ne présentait guère de chances de succès. Il entreprit de lui opposer une coalition comme celle que Jean sans Terre avait quatre-vingts ans plus tôt réunie contre Philippe Auguste. Si déchu que fut en Allemagne le pouvoir royal, il se mit en rapport avec Adolphe de Nassau ou, pour parler plus exactement, le prit à sa solde et lui fit déclarer la guerre sous prétexte de territoires de l’Empire annexés par la France dans les derniers temps. Mais c’est surtout sur les princes des Pays-Bas qu’il fondait son espoir. Car son plan consistait à attaquer la France par le nord, c’est-à-dire par le seul côté de son territoire où elle ne soit pas protégée par des frontières naturelles. Il s’attacha surtout à gagner le comte de Flandre et ses avances devaient trouver chez lui un terrain tout préparé par les rigueurs de Philippe le Bel. Le 9 janvier 1297, Guy de Dampierre envoyait défier son suzerain. La guerre commença au mois de juin. Adolphe de Nassau, qui n’avait voulu que toucher les livres sterlings de l’Angleterre, ne parut pas. Édouard débarqua en Flandre, mais à peine y était-il arrivé qu’une révolte générale éclatait en Écosse. Dès lors, il ne chercha plus qu’à se tirer d’une expédition qu’il lui était impossible de mener à bien. Le 9 octobre, il concluait une trêve avec le roi de France, et