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en 1378 par la révolte démocratique des ciompi[1], conduite par les métiers de la laine, mais revient de nouveau au pouvoir en 1382.

De même dans les villes flamandes. Depuis le commencement du xiiie siècle, les tisserands et les foulons grondent sous le patriciat. Celui-ci s’appuie sur la France. La bataille de Courtrai est en réalité une victoire sociale des artisans. Mais son régime, appuyé sur les ouvriers de la laine, ne peut tenir. Ils retombent forcément sous les marchands. Et c’est, durant tout le xive siècle, une série de commotions et de convulsions. Les ouvriers rêvent vaguement d’un communisme impossible. Il y a des tisserands flamands parmi les révoltés de Wat Tylor. Il y en a plus tard parmi les Hussites, dans la secte des Adamites. Gand surtout, où les tisserands sont plus nombreux que partout ailleurs, se distingue par sa sombre énergie. Sous Louis de Maele, leur audace atteint au paroxisme. Durant dix ans, et à travers des péripéties étonnantes, ils tiennent tête au prince, à la noblesse, à toutes les « bonnes gens qui ont à perdre ». De toutes parts, ceux qui souffrent ont les yeux tournés vers eux. On crie « Vive Gand », à Paris, à Rouen. Il semble qu’ils menacent tout l’ordre social et il faut que le roi de France viennent leur infliger à Roosebeke (1382) une terrible défaite. Les tisserands gantois ont été sûrement les plus ardents protagonistes de la démocratie au xive siècle. Mais leur énergie ne pouvait aboutir. Il leur était impossible d’échapper au capitalisme dont ils souffraient. Ses causes étaient en dehors de leurs atteintes. Se redressant constamment, ils sont constamment abattus. Les autres métiers se tournent contre eux. Les foulons, encore plus pauvres, et qu’ils oppriment, font cause commune avec leurs ennemis. Le résultat est de tourner les marchands et gens d’affaires vers les princes et de les pousser à chercher à déplacer l’industrie des villes à la campagne.

Pendant que les villes sont ainsi agitées ou transformées à l’intérieur, elles gagnent à l’extérieur une importance politique qu’elles n’ont jamais eue à aucune autre époque, et qu’à vrai dire, elles n’ont pas cherchée. Les dépenses croissantes que la guerre, plus coûteuse à mesure que les mercenaires et les flottes y jouent un plus grand rôle, imposent à l’État ou aux princes, obligent ceux-ci à alimenter leur trésor d’une source nouvelle. Les anciens revenus ne suffisent plus. On peut emprunter aux banquiers italiens, et on ne s’en fait pas faute, mais cela entraîne à des obligations oné-

  1. Nom des métiers inférieurs à Florence.