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cause, ayant invoqué l’intervention de l’empereur, Théodoric le fait emprisonner, au grand scandale des fidèles.

On sait tout cela à Byzance, et l’on y sait aussi que la force des nouveaux royaumes n’est pas bien inquiétante. Dans tous, la dynastie se détruit elle-même par des querelles intestines et des meurtres de famille. Chez les Wisigoths et chez les Vandales, les divers compétiteurs de la couronne prient l’Empereur de leur venir en aide. Chez les Ostrogoths, après la mort de Théodoric, Théodat vient de faire assassiner, pour régner seul, sa femme Amalasonthe, fille du roi défunt. Persécution religieuse, scandales politiques, que de prétextes d’intervention !

Justinien (527-565) ne manqua pas d’en profiter. Il avait rétabli la paix dans ses États, réorganisé les finances, refait l’armée et la flotte : il les consacra à reconstituer l’Empire romain. Ce fut sur les Vandales que porta le premier coup. En 533, 500 navires débarquaient en Afrique 15.000 hommes conduits par Bélisaire. La campagne fut aussi courte que brillante. En quelques mois, le royaume était entièrement conquis et son roi envoyé à Byzance pour servir au triomphe de l’empereur. Les Wisigoths qui avaient assisté indifférents à la ruine de leur voisin, subirent bientôt le même sort. Toute la région maritime fut occupée et soumise sans difficultés ; on ne se donna pas la peine de poursuivre la dynastie réfugiée dans les montagnes. L’État ostrogothique résista plus longtemps. Ce n’est qu’après dix-huit ans de guerre que son sort fut décidé par la sanglante défaite de ses dernières troupes sur les pentes du Vésuve (553).

La Méditerranée était redevenue un lac romain, ou devenait, si l’on veut, un lac byzantin. Partout des exarques et des ducs prenaient en main l’administration des provinces reconquises. Rome faisait de nouveau partie de l’Empire et, comme au beau temps, les ordres de l’empereur se transmettaient jusqu’aux Colonnes d’Hercule.

Il pouvait sembler que la civilisation byzantine, après de si brillants services, allait devenir la civilisation européenne, et que Constantinople, où Justinien érigeait en guise d’arc de triomphe, la basilique de Sainte-Sophie, était destinée à attirer dans son orbite l’Occident tout entier.