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chie, l’empereur de Constantinople, Jean Paléologue vient implorer l’appui du pape contre les Turcs. La situation est si lamentable, que le pape retourne en 1370 à Avignon où il meurt l’année suivante.

Son successeur Grégoire XI (1370-1378) devait reprendre le chemin de la ville éternelle. La voix de Sainte Brigitte et celle de Sainte Catherine de Sienne s’élevaient trop haut et portaient trop loin pour qu’il pût feindre de ne pas entendre leurs objurgations. Mais la situation politique commandait plus impérieusement encore son retour. Bologne venait de se récolter. Les Florentins, jusqu’alors les plus constants alliés de Rome en Italie s’unissaient aux autres villes de la Toscane contre le gouvernement des « légats ». Le pape quitta Avignon en 1376. Il mourut en mars 1378, sans avoir pu mettre fin à l’anarchie. L’élection de son successeur, pour la première fois depuis celle de Boniface VIII, septante-cinq ans auparavant, allait se faire à Rome. Il était impossible que le peuple n’exigeât pas un pape romain. Les cardinaux réunis en conclave délibéraient au bruit de ses clameurs et du tocsin de Saint-Pierre. Le Vatican était entouré de bandes armées. C’était une « journée » révolutionnaire. Elle s’acheva par l’élection du cardinal Barthélemy Prignano archevêque de Bari, qui prit lors de son couronnement le nom d’Urbain VI (1378-1379). Mais les cardinaux français qui avaient collaboré à l’élection n’avaient agi que sous l’empire de la terreur. Quelques-uns avaient protesté. Les autres furent bientôt brouillés avec le pape qui annonçait des velléités de réformer le Sacré Collège et de couper court aux abus financiers qui faisaient sa fortune. A cela s’ajoutaient les instances du roi de France Charles V et la ruine de Naples. Il n’en fallait pas davantage pour leur faire déclarer nulle l’élection d’Urbain. Le 20 septembre ils se réunissaient à Fondi et donnaient leurs suffrages à Robert de Genève, évêque de Thérouanne. Le nom d’Urbain adopté par son compétiteur signifiait Rome : il en choisit un qui signifiât Avignon et se fit appeler Clément VII (1378-1394).

Jadis, chaque fois que deux papes s’étaient disputé la tiare, la question de légitimité n’avait pas été douteuse. L’un des deux, imposé par l’empereur, n’était visiblement qu’un intrus dont la chrétienté s’était résolument détournée. Cette fois, comment discerner le véritable successeur de Pierre ? Qui avait raison des cardinaux reconnaissant Urbain ou de ceux tenant pour Clément ? Les théologiens des universités disputaient entre eux ; les âmes pieuses,