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mée, elle ne songe pas à se rendre. Philippe van Artevelde qu’elle a mis à sa tête l’entraîne dans un suprême effort, vient offrir sous les murs de Bruges une bataille décisive à l’armée de Louis de Maele et, contre toute attente, la taille en pièces. De nouveau Gand est maîtresse de la Flandre et partout, une fois de plus, les tisserands font la loi dans toutes les villes.

Philippe le Hardi n’eut pas de peine, en invoquant la nécessité d’étouffer en Flandre le foyer d’une révolte si contagieuse, à faire décider par la cour une expédition qui devait lui assurer son héritage. Les Gantois et leurs adhérents furent vaincus à Roosebeke et Louis de Maele reprit possession de son comté. Il venait d’hériter de sa mère l’Artois et la Franche-Comté de Bourgogne, si bien qu’à sa mort en 1384, Philippe le Hardi recueillit ces territoires en même temps que la Flandre. Joints à son duché de Bourgogne, ils lui procuraient une puissance qu’aucun vassal de la couronne n’avait jamais possédée avant lui. On ne vit pourtant dans cette éclatante fortune qu’un succès de la politique royale. Le résultat préparé par Charles V était atteint. La Flandre, passant au pouvoir d’un prince du sang, n’était-ce pas la rupture définitive avec l’alliance anglaise et le prélude sans doute d’une union plus intime dans l’avenir ?

Philippe ne manqua pas de profiter de la conjoncture qui rattachait son intérêt propre à l’intérêt du royaume. Depuis le commencement du xiiie siècle, la politique royale n’avait cessé de travailler à soumettre à son influence tous les princes des Pays-Bas. Nominalement vassaux de l’Empire, ils en étaient en fait depuis le grand interrègne complètement indépendants et tout à fait indifférents à ses querelles. De même que tout le mouvement économique de leurs territoires s’orientait vers les côtes flamandes, de même toute leur politique était occidentale. Tournant le dos à l’Empire, c’est entre Paris et Londres que, suivant le jeu de leurs intérêts, balançaient leurs sympathies. La civilisation avancée de ces pays, la diffusion générale des mœurs françaises, la parenté des institutions que des besoins économiques analogues et la prépondérance générale des bourgeoisies avaient répandue dans les diverses principautés, leur avaient épargné, malgré la différence de population entre lesquelles ils se partageaient, Wallons au sud et Flamands au nord, les luttes de races qui, à l’Orient de l’Europe, mettaient aux prises, avec toute la brutalité de l’instinct, les Slaves et les Allemands. Aussi les amalgames dynastiques qui, dans le courant du xiiie siècle, s’étaient accomplis entre divers territoires d’abord indépen-