Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voir substituer son influence à la sienne dans la Péninsule, prenait une attitude menaçante. Lorsque Henri arriva à Rome, les troupes de ses ennemis occupant la plus grande partie de la ville, il ne put pénétrer jusqu’à Saint-Pierre et dut se contenter de prendre presqu’en secret au Latran, de la main des cardinaux désignes par le pape, cette couronne impériale qu’il eût mieux valu sans doute ne pas recevoir que de la recevoir ainsi (juin 1312). De son projet de restaurer la majesté de l’Empire, il ne restait rien. Sans finances et presque sans armée, il en fut réduit à subordonner sa politique à celle des Napolitains et à solliciter contre eux l’appui du roi de Sicile. En Toscane, Florence lui fermait ses portes. Il lui fallut pour la combattre s’appuyer sur les Pisans. La chute était trop profonde après de si hautes et si courtes illusions. Henri épuisé par le chagrin succombait au mois d’août 1313 à Buonconvento. Il fut inhumé à Pise ; son sarcophage existe encore sous la galerie où les terribles fresques d’Orcagna représentent si cruellement la vanité des ambitions humaines.

Mais il avait rouvert la voie entre l’Italie et l’Allemagne et Louis de Bavière, son successeur, devait s’y engager après lui ( 1314-1347). A peine avait-il vaincu et fait prisonnier Frédéric de Habsbourg, que quelques-uns des électeurs lui avaient opposé, il songea à franchir les Alpes. Il allait se heurter aussitôt à l’opposition acharnée du pape. Le Saint-Siège, dont les prétentions avaient dû céder devant la France et l’Angleterre, ne pouvait capituler devant les rois d’Allemagne. En remettant à l’ordre du jour la question impériale oubliée depuis si longtemps, ils ranimaient l’odieux souvenir des Hohenstaufen et l’on pouvait craindre qu’ils ne groupassent autour d’eux en Italie tous les ennemis de la papauté et des rois de Naples, ses auxiliaires. La lutte était d’autant plus certaine que, leur puissance politique étant disproportionnée à leurs ambitions, on pouvait compter, en les attaquant, sur une victoire à peu près immanquable. Déjà la rupture de Henri VII avec Robert de Naples l’avait brouillé avec Clément V et sa mort prématurée avait seule empêché un éclat. Jean XXII était décidé à ne rien céder de la suprématie que ses grands prédécesseurs du xiie siècle avaient gagnée sur l’Empire. En montant sur le trône pontifical, il avait solennellement déclaré que le pape tenait de Saint Pierre l’empire spirituel comme l’empire temporel et qu’il lui appartenait de veiller sur celui-ci en l’absence d’empereur. Mettant aussitôt cette théorie en pratique, il avait nommé Robert de Naples vicaire impérial en Italie.