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pays avec les nombreux voisins que touchaient ses frontières : Bohême, Pologne, Allemagne, Slaves du sud, et Empire byzantin, sans compter Venise, jalouse de conserver la maîtrise de l’Adriatique, la faisait vivre dans un état de guerre continuelle, tantôt sur un point, tantôt sur un autre. A l’est, la Hongrie s’ouvrait sur le domaine indéterminé de la barbarie asiatique et avait à repousser ou à soumettre des hordes de Petchenègues et plus tard de Coumans, venues de la Russie méridionale. Elle avait en outre à se garder contre ce peuple formé de Slaves et de Finnois mélangés avec les descendants des anciens colons romains de la Dacie dont ils finirent par adopter le dialecte roman et qui devait former, un jour, la Roumanie.

Cette société si cahotée faillit être détruite par l’invasion mongole. Nulle part, si ce n’est en Russie, les ravages n’en furent aussi épouvantables que dans la plainte du Danube. Quand elle se fut retirée, il fallut pour ainsi dire recoloniser le pays à nouveau. Le roi Bila IV (1235-1270) s’y appliqua de son mieux, appelant des Italiens, faisant venir de nouveaux Allemands augmenter le nombre de ceux qui, déjà auparavant, s’étaient fixés en Transylvanie où ils sont encore. Bude fut fondée en 1245. Des Italiens introduisirent la culture de la vigne. Les Roumains se répandirent largement dans la plaine comme travailleurs agricoles. Une trentaine d’années plus tard, la Hongrie était redevenue assez forte pour pouvoir prêter son appui à Rodolphe de Habsbourg contre Ottokar de Bohême et arrêter, au profit de l’Allemagne, l’expansion menaçante des Tchèques.

Elle put s’apercevoir bientôt que les Habsbourg, devenus ses voisins, l’avaient fait entrer dans leurs plans dynastiques. A la mort du roi Ladislas IV sans enfants, Rodolphe de Habsbourg, disposant d’elle comme d’un fief d’empire, la donnait à son fils Albert. Mais depuis que le pape Sylvestre II avait envoyé la couronne à Étienne, les papes considéraient la Hongrie comme un fief du Saint-Siège, et Nicolas IV la revendiqua aussitôt pour Charles Martel, fils de Charles II de Naples et beau-frère de Ladislas. Pour échapper à ces étrangers, les magnats donnèrent la couronne à André III, descendant de la dynastie nationale, puis, à sa mort en 1301, reconnurent le fils de Charles Martel, Charles Robert (1308-1342). Ainsi, cette dynastie française des Anjou implantée à Naples par la papauté en opposition aux Hohenstaufen, l’était maintenant en Hongrie en opposition aux Habsbourg. Elle devait