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à la communauté européenne et chrétienne. Mais la politique d’un État ne s’inquiète presque toujours que des intérêts immédiats et actuels. Michel VIII considéra comme un triomphe pour Byzance, le désastre subi par Charles d’Anjou.

Les Turcs, barbares d’origine finnoise, avaient été, depuis le xe siècle, pour le khalifat de Bagdad, à peu près ce que les Germains, six siècles plus tôt, avaient été pour l’Empire romain. Ils l’avaient envahi et, naturellement, s’étaient tout de suite convertis à sa religion. La brillante civilisation de l’Islam était trop fragile pour supporter le contact de ces rudes néophytes. Ceux-ci n’en reçurent guère que quelques caractères tout extérieurs. Ils demeurèrent, au milieu d’elle, essentiellement paysans et soldats, mais moins ils se policèrent, plus ils s’éprirent pour leur foi nouvelle d’un zèle qui, les animant contre les infidèles, contribua nécessairement à entretenir chez eux l’esprit militaire. La grande invasion mongole du xiiie siècle qui dévasta si fougueusement l’Asie Antérieure les rejeta dans les montagnes de l’Arménie. Ils en descendirent bientôt, sous la conduite d’Omman, pour se répandre vers l’ouest, dans l’Asie Mineure, proie facile à arracher aux mains débiles des successeurs de Michel Paléologue. Brousse (1326), Nicomédie et Nicée (1330) tombèrent au pouvoir de l’envahisseur. De ses possessions asiatiques, il ne restait plus rien à l’Empire. Et son impuissance s’aggravait encore des intrigues politiques où il se débattait. Après la mort d’Andronique III (1341), le grand domestique Cantacuzène profitait de la minorité de Jean V pour revêtir la pourpre, et, afin de se maintenir contre les Bulgares et les Vénitiens que la cour appelait à la rescousse, il s’adressait aux Turcs et les faisait passer en deçà du Bosphore. La conquête d’Europe succéda tout de suite à la conquête d’Asie. Mourad Ier s’emparait d’Andrinople en 1352, de Philippopoli en 1363, battait les Serbes en 1371, les rejetait en Macédoine et entrait à Sofia en 1362. Confinés dans les murs de Constantinople, les Grecs abandonnaient aux Slaves la défense de la Thrace. Les Serbes remportaient en 1387 quelques succès en Bosnie, mais deux ans plus tard, perdaient la sanglante bataille de Kossovo (15 juin 1389), dans laquelle périssaient leur prince Lazar et le sultan vainqueur. La résistance paraissait brisée. Bajazet (1389-1403), le fils de Mourad, soumit la Bosnie, la Valachie, la Bulgarie, la Macédoine et la Thessalie. Jusqu’au Danube, la Péninsule des Balkans presque tout entière n’était plus qu’une annexe du monde musulman. La croix ne s’y élevait plus que sur les coupoles de