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reur, toujours impliqué dans la guerre de France, céderait devant une attitude énergique. L’année suivante, en effet, il proclamait la Paix de religion de Nuremberg, interdisant toute guerre religieuse jusqu’à la réunion d’un concile ou de la prochaine diète. Cet aveu d’impuissance augmenta naturellement la confiance des protestants. Philippe de Hesse, le plus remuant d’entre eux, profita de la situation pour affaiblir autant qu’il se pouvait la puissance de la maison de Habsbourg. Secondé par des subsides du roi de France, il remit le duc de Wurtenberg en possession de son duché que Ferdinand avait réuni à l’Autriche, et le protestantisme y fut aussitôt introduit (1534). Un peu plus tard, le dernier prince laïc de l’Allemagne du nord qui fût resté fidèle au catholicisme était expulsé de ses domaines (1542). Déjà l’archevêque de Cologne manifestait l’intention de passer à la Réforme. L’archevêché de Magdebourg et celui de Halberstadt étaient sécularisés.

Enfin, la paix conclue à Crespy avec la France (1544) permit à Charles-Quint de s’occuper des affaires d’Allemagne. Le pape venait de décider la réunion d’un concile général et ainsi de le délier de ses engagements de Nuremberg. Le moment d’attaquer la Ligue de Smalkalde était arrivé.

Si les intérêts de la foi l’avaient emporté chez les princes protestants sur les intérêts personnels, tous se fussent unis les uns aux autres pour affronter le choc. Cependant, il n’y eut rien de plus facile que de gagner par des promesses d’agrandissement la neutralité ou même la coopération de plusieurs d’entre eux contre leurs coréligionnaires. Le luthérien Maurice de Saxe se distingua particulièrement comme l’allié du souverain catholique dans cette lutte contre les luthériens. Les bandes espagnoles du duc d’Albe firent le reste. La bataille de Muhlberg anéantit la Ligue de Smalkalde (24 avril 1547). L’électorat de Jean-Frédéric de Saxe fut donné à Maurice. Philippe de Hesse se soumit. L’année même, Charles faisait accepter à la Diète d’Augsbourg un intérim qui, en attendant la décision du Concile, établissait la situation religieuse des pays réformés.

Ce ne fut pas le triomphe du catholicisme. Ce fut le triomphe de l’empereur qui épouvanta les vaincus. Ils redoutaient bien plus de tomber sous le joug de Charles et de perdre leur autonomie princière, que de repasser sous l’obédience de Rome. Maurice de Saxe, qui ne voulait pas plus qu’eux la suprématie des Habsbourg dans l’Empire, se rejeta de leur côté. Le manque d’idéalisme national