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rement avec les fluctuations du roi en matière dogmatique. Après 1536, effrayé par les manifestations d’un groupe d’ailleurs peu nombreux de protestants, il cherche visiblement à se rapprocher de la tradition et les six articles qu’il fait approuver par le clergé en 1539 marquèrent un retour assez marqué vers la foi catholique. La chute retentissante et la mort de Cromwell en 1540 s’expliquent en partie par ses tentatives d’entraîner l’Angleterre dans une alliance avec les luthériens d’Allemagne. Un instant, il semble que Henri VIII ait même songé à se réconcilier avec Rome, ou du moins à se rallier à l’idée d’une réforme de l’Église par un concile général. L’attitude du Concile de Trente le fit d’ailleurs renoncer à ces velléités. Lorsqu’il mourut en 1547, il songeait à conclure une « ligue chrétienne » avec les princes allemands, et à remplacer la messe par un simple communion service.

Après lui, ce fut le chaos. La minorité d’Édouard VI (1547-1553) permit aux « protecteurs », le duc de Somerset puis le comte de Warwick, de favoriser ouvertement le protestantisme. La messe fut supprimée, les images enlevées des églises, le célibat des prêtres aboli, un prayer-book adopté, et de nouveaux articles de religion constituèrent la doctrine à laquelle l’Église anglicane est demeurée fidèle jusqu’à nos jours. Tout cela fut imposé par la violence, au milieu d’une véritable anarchie religieuse. Tandis que de tous côtés les catholiques exaspérés excitaient des révoltes, un nouveau parti venait d’apparaître exigeant une réforme radicale de la foi et de l’Église. Le calvinisme était entré en scène.

Une génération sépare la naissance de Calvin (1509) de celle de Luther. La crise religieuse que personne ne pouvait prévoir encore au moment où s’ouvrit la carrière du réformateur allemand, occupait tous les esprits quand débuta celle du réformateur français. Luther avait été jeté comme tous ses contemporains dans le monde de la théologie scolastique. Calvin se forma dans un milieu qu’agitait passionnément la question de l’autorité de l’écriture, de la grâce, de la justification par la foi, de la validité des sacrements, du célibat des prêtres, de la primauté du siège de Rome. Le premier fut poussé par sa conscience et par les événements à sortir de l’Église dans laquelle il avait vainement cherché la paix de l’âme. Le second, à vrai dire, n’a jamais appartenu à cette Église. Il n’a eu aucun effort à faire pour rompre avec elle. Dès le premier jour, il l’a considérée comme un monument d’erreur et d’imposture. Les drames intimes de la conscience lui ont été épargnés. Il n’a pas dû