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commencée, s’emparèrent du royaume que les Burgondes avaient érigé dans la vallée du Rhône (533), se mirent en possession de la Provence, du Golfe de Lion jusqu’au Rhône : toute l’ancienne Gaule se trouva désormais soumise à la dynastie mérovingienne.

Conformément au caractère méditerranéen que l’Europe occidentale conserva jusqu’à la fin du viie siècle, c’est vers le sud qu’elle chercha tout d’abord à s’agrandir. Des armées franques disputèrent quelque temps aux Lombards l’Italie septentrionale. Mais l’invasion musulmane, on l’a vu plus haut, devait mettre fin brusquement à l’orientation traditionnelle des contrées du nord vers celles du midi. Le dernier conquérant mérovingien, Dagobert Ier, tourna son effort vers la Germanie, et s’avança même jusqu’au Danube. Puis l’expansion cesse et la décadence commence.

La fermeture de la Méditerranée par les Musulmans ne marque pas seulement une nouvelle orientation politique de l’Europe, mais aussi, si l’on peut dire, la fin du monde antique.

Jusqu’au régime de Dagobert Ier en effet, l’État mérovingien ne s’est pas séparé de la tradition romaine. L’état social du pays, après le trouble profond que lui font subir les invasions, reprend son ancien caractère romain. Les terres du fisc impérial avaient, il est vrai, passé au roi, mais les grands propriétaires gallo-romains, sauf de rares exceptions, avaient conservé leurs domaines, organisés comme ils l’étaient sous l’Empire. Il est frappant, à ce sujet, de constater que le pape Grégoire le Grand, pour restaurer l’administration des énormes propriétés foncières de l’Église, ne fait que reconstruire le système domanial romain.

Le commerce, le calme une fois rétabli, avait repris son activité. Marseille, centre du grand commerce maritime avec l’Orient, recevait ces marchands syriens que l’on retrouve d’ailleurs dans les villes importantes du sud de la Gaule et qui, avec les Juifs, sont les principaux trafiquants du pays. Les villes de l’intérieur conservent une bourgeoisie de commerçants parmi lesquels il en est qui, en plein vie siècle, nous sont connus comme des notables riches et influents.

Et grâce à ce commerce régulier qui maintient dans la population une importante circulation de marchandises et d’argent, le trésor du roi, alimenté par les tonlieux, ne cesse de disposer de ressources importantes, aussi considérables, si pas d’avantage, que celles qu’il retire du revenu des domaines royaux et du butin de guerre.

Certes cette civilisation de l’Empire qui se survit est tombée