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secours de la papauté, toujours pressée par les Lombards, alors même que Jean lui eût fait l’honneur d’une ambassade spéciale chargée de lui remettre solennellement les clefs du tombeau des apôtres. Moins absorbé par la guerre, son fils Pépin le Bref, qui lui succéda en 741 à la mairie du palais et au gouvernement du royaume se trouva au contraire, de très bonne heure, en relations suivies avec Rome.

Au moment où il prit le pouvoir, les missions anglo-saxonnes chez les Germains païens d’au delà du Rhin venaient de commencer sous la direction de Saint Boniface (719, † 755 en Frise). Pépin lui montra tout de suite un zèle et une bienveillance auxquels les apôtres du christianisme n’étaient pas accoutumés. Les motifs lui en étaient d’ailleurs inspirés par l’intérêt politique. Il comprenait que le moyen le plus efficace d’atténuer la barbarie des Frisons, des Thuringiens, des Bavarois, des Saxons, partant d’en faire des voisins moins dangereux pour le royaume et d’en préparer l’annexion future, était de commencer par les convertir. De là l’intérêt qu’il prit aux projets de Boniface, l’appui qu’il lui accorda, ses faveurs à l’égard du siège de Mayence qui, érigé en métropole de la nouvelle Église germanique, rattachait celle-ci, dès sa naissance, à l’Église franque.

Boniface cependant, fils soumis de la papauté en sa qualité d’Anglo-Saxon, ne s’était mis à l’œuvre qu’après avoir demandé et reçu l’assentiment et les instructions de Rome. Il se trouva ainsi, grâce aux rapports intimes qu’il entretenait avec le maire du palais, l’intermédiaire naturel entre lui et le pape. Or les circonstances faisaient que chacun d’eux, ayant besoin de l’autre, ne demandait qu’à se rapprocher de lui. Pépin, déjà roi de fait, aspirait à l’être de droit. Mais il hésitait à enlever la couronne à son possesseur légitime, en qui vivait encore une si longue tradition dynastique. Afin d’accomplir sans scrupule le coup d’État devenu inévitable, il fallait pouvoir s’abriter sous la plus haute autorité morale qui fût, en obtenant publiquement l’approbation du pontife romain. Pour le pape, une situation aussi intenable exigeait également une solution. Le moment était venu pour lui de rompre avec l’empereur, dont le césarisme hérétique devenait de plus en plus arrogant, et qui laissait, par impuissance ou mauvaise volonté, les Lombards s’avancer jusqu’aux portes de Rome. (Le roi Lombard Aistulf venait un peu après 744, de s’emparer de l’exarchat.) Ici aussi un coup d’État était imminent pour l’accomplissement du-