Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/270

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sur cette condition parce qu’un spécialiste apprécie d’autant plus l’importance de sa branche qu’il y travaille depuis plus longtemps et qu’il a dû y surmonter des difficultés plus grandes. S’il lui est arrivé de trouver, pour un problème une solution heureuse, il sera aisément tenté d’en exagérer l’importance et d’utilise= sa découverte dans des cas où les circonstances sont peut-être entièrement différentes. Celui qui éprouve le besoin de se placer à un point de vue plus élevé que ne lui permet l’étroitesse de sa spécialité, ne devrait pas oublier que dans les autres branches de la science il y a aussi des savants qui, pour travailler avec des méthodes différentes, n’en sont pas moins aux prises avec des difficultés aussi grandes que les siennes. Malheureusement, l’histoire de toutes les sciences montre que semblable prudence n’a pas toujours été observée ; mais, pour ne pas m’exposer à tomber moi-même dans le travers que je signale, je me bornerai à ne citer que des exemples tirés de la physique.

Parmi les concepts généraux de la physique, il n’en est peut-être pas un seul qui n’ait été plus ou moins souvent et, avec plus ou moins d’adresse, transporté dans d’autres domaines par une association d’idées résultant d’un ensemble de circonstances externes quand elle n’est pas tout simplement le résultat d’un rapprochement de terminologie purement fortuit.

Par exemple, le mot énergie, conduit facilement à transporter la notion physique d’énergie et le principe de sa conservation sur le terrain de la psychologie. Il est même arrivé que l’on se soit très sérieusement essayé à trouver des lois exprimables mathématiquement pour rendre compte de l’origine et du degré du bonheur humain.

On peut loger aussi à la même enseigne les tentatives faites pour utiliser le principe de relativité en dehors de la physique, par exemple, en esthétique ou en éthique. Et cependant, il n’y a rien de plus décevant que cette phrase creuse : « tout est relatif » ? Déjà en physique, elle est inexacte : toutes les constantes universelles, telles la masse et la charge de l’électron ou du proton, la valeur du quantum d’action, sont des grandeurs absolues. Elles sont les pierres fondamentales de toute l’atomistique.