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LETTRE VII.

grand bien. Ce n’est pas comme l’homme qui, pauvre, incapable de se gouverner lui-même et esclave du plaisir, [351b] ne cherche qu’à s’enrichir, trompe ses amis et l’État, trame des conspirations, fait massacrer les riches en les accusant de trahison, pille leurs biens, et invite ses compagnons et ses complices à l’imiter pour éviter qu’un seul d’entre eux ne vienne lui reprocher sa misère. Il faut en dire autant de celui qui ne sait s’attirer l’estime de ses concitoyens par d’autres bienfaits que par des décrets qui distribuent à la populace la fortune des riches, ou qui, maître d’une ville puissante à laquelle sont soumises d’autres villes, dépouille injustement les plus petites [351c] pour enrichir la capitale. Non, jamais Dion, ni qui que ce soit, n’use volontairement de pareils moyens pour acquérir un pouvoir qui serait funeste à lui-même et à toute sa postérité : il n’aspire qu’à donner à sa patrie une constitution et des lois bonnes et justes, sans exils ni échafauds. Telle a été la conduite de Dion. Résolu à souffrir l’injustice plutôt qu’à la commettre, mais se dérobant pourtant à s’en garantir, il a succombé au moment où il allait triompher [351d] de ses ennemis ; Faut-il s’en étonner ? L’homme juste, sage et prudent, est toujours en garde contre les méchants ; mais il n’est pas extraordinaire qu’il lui arrive la même chose qu’au meilleur pilote. Celui-ci sait toujours prévoir la tempête, mais il ne peut calculer la violence extraordinaire et inattendue qui le submerge à l’improviste. Ce fut là le sort de Dion, il savait que ses ennemis étaient corrompus et voulaient le perdre, mais il n’avait pas prévu jusqu’où ils porteraient la barbarie, [351e] la perversité et l’avidité. C’est ce qui causa sa mort et couvrit de deuil la Sicile entière.

[352a] Tels sont les conseils que je crois devoir vous donner. Il m’a semblé que je devais vous expliquer les motifs qui m’ont fait entreprendre mon second voyage en Sicile,