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LETTRE VIII.

monde, l’âme, le corps et l’argent ; honorez avant tout l’âme, puis le corps, dont la santé donne de la force à l’âme, et donnez le troisième rang à l’argent qui ne doit être qu’au service de l’âme et du corps. [355c] Une loi qui produirait ces effets est nécessairement une bonne loi : elle rend heureux ceux qui la suivent. Mais appeler heureux ceux qui sont riches, c’est un langage insensé et misérable qui ne convient qu’aux femmes et aux enfants, et qui rend semblables à eux ceux qu’il trouve crédules. Si vous essayez de mettre en pratique les conseils que je vous donne sur les lois, l’expérience justifiera la vérité de mes paroles, l’expérience qui est pour toutes choses une épreuve infaillible. Quand vous aurez accueilli ces lois, [355d] comme la Sicile est dans une situation critique et qu’aucun des deux partis qui la divisent ne paraît avoir beaucoup d’avantage sur l’autre, il sera peut-être convenable et juste de prendre un terme moyen entre vous, d’un côté, qui redoutez le fléau de la servitude, et ceux qui, de l’autre, brûlent de s’emparer de la tyrannie. Les ancêtres de ces derniers ont délivré les Grecs des Barbares, et c’est là un immense bienfait ; et si vous pouvez délibérer sur le choix d’un gouvernement, c’est à eux que vous le devez ; s’ils avaient succombé, vous n’auriez à délibérer sur rien, ni rien à espérer. Que les uns jouissent [355e] donc de la liberté sous un gouvernement monarchique, et que les autres aient entre leurs mains une royauté responsable, où les lois puissent également réprimer les simples citoyens et les rois eux-mêmes qui les violeraient. Après cela, procédez dans un esprit sincère et sage, et avec l’aide des dieux, à l’élection de trois rois. Choisissez d’abord mon fils, qui a un double titre à votre reconnaissance et à cause de moi et à cause de mon père ; car l’un a délivré l’État des