Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, XI, XII et XIII.djvu/974

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méritent plus de confiance que tous les poètes tragiques sur la foi desquels tu parles.

L'AMI. Mais que disent-ils donc de Minos?

SOCR. Je veux te l'apprendre pour que tu ne commettes plus d'impiété, comme tant d'autres. Car, après les offenses directes envers les dieux en actions ou en paroles, il n'y a rien de plus impie, rien qu'on doive éviter avec plus de soin que d'offenser les hommes divins. En général, quand on veut [319a] blâmer ou louer un homme, il faut bien prendre garde de ne se pas tromper. Aussi faut-il s'étudier à distinguer les bons et les méchants; car Dieu s'offense quanti on blâme ceux qui lui ressemblent, ou quand on loue ceux qui ne lui ressemblent point; et c'est l'homme de bien qui lui ressemble. Ne va pas croire que des pierres, du bois, des oiseaux, des serpents, puissent être saints; cette gloire n'est réservée qu'à l'homme; et de tous les hommes, le plus saint, c'est le bon, et le plus impie, c'est le méchant. Maintenant, quant à Minos, je veux t'apprendre comment Homère et Hésiode [319b] l'ont célébré, afin qu'étant homme et fils d'homme tu n'offenses plus en paroles un héros, fils de Jupiter. Homère, en parlant de la Crète, vante ses nombreux habitants et ses quatre-vingt-dix villes :

« Entre elles (dit-il) est Cnosse, la grande viile, où Minos Régna neuf ans dans le commerce du grand Jupiter[1]. »

[319c] Voilà quel éloge Homère fait en peu de mots de Minos; et cet éloge est tel que jamais ce poète n'en a donné de pareil à aucun de ses héros. Dans cet endroit, comme dans beaucoup d'autres, Homère nous montre en Jupiter un véritable maître dans l'art d'en-

  1. Cet usage subsista jusqu'à Solon, qui défendit d'enterrer les morts dans l'intérieur de la ville.