Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, XI, XII et XIII.djvu/98

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lâcheté, δειλία, mot que nous n’avons pas encore examiné, et dont nous aurions dû parler après celui de courage, ἀνδρία ; au reste, je vois que nous en avons omis ainsi beaucoup d’autres. Je dis donc que la lâcheté est pour l’âme un lien, δέσμος, très fort ; et le mot λίαν, beaucoup, exprime la force de ce lien. Ainsi, la lâcheté est le plus fort et le pire lien de l’âme, comme l’hésitation, ἀπορία, est aussi un mal, et en général tout ce qui fait obstacle au mouvement d’aller et d’avancer, ἰέναι, πορεύεσθαι. Ceci nous fait donc voir que aller mal, c’est avoir un mouvement ralenti, entravé, et que tout ce qui se trouve dans ce cas, devient plein de mal. Or, si tel est le nom de cet état de l’âme, le nom de l’état contraire, doit être celui de vertu, ἀρετή. Il signifiera d’abord une allure facile, εὐπορία, et par suite le mouvement libre et en quelque sorte le cours perpétuel d’une âme honnête. C’est ce cours perpétuel, ἀεὶ ῥέον, exempt d’obstacle et de toute contrainte, qu’il est juste d’appeler ἀειρείτη,. Peut-être !e vrai mot serait-il αἰρετή, préférable, parce que la vertu est l’habitude de l’âme qu’il convient le plus de choisir, αἱρετωτάτη ; et en contractant le mot, on en aura fait ἀρετή. Me diras-tu encore que ce sont là des fictions de ma façon ? Je te répondrai que si notre interprétation du mot κακία est fondée, il doit en être de même pour ἀρετή.